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Chef d’entreprise

Un devoir méconnu des patrons de TPE-PME : prendre soin de leur santé

23 juin 2021
Un devoir méconnu des patrons de TPE-PME : prendre soin de leur santé - featured image

 

Je n’ai pas le temps d’être malade”, ou encore “Je ne tombe malade que lorsque je suis en vacances, d’ailleurs j’ai arrêté d’en prendre…” Ces boutades bien connues des entrepreneurs reflètent hélas une réalité : exclus du champ de la médecine du travail - encore réservée à ce jour aux seuls travailleurs salariés - et accaparés par leurs nombreuses responsabilités, nombre de patrons de TPE et PME ont tendance à négliger leur santé.

Pour Olivier Torrès, président de  l’Observatoire Amarok sur la santé des dirigeants et universitaire spécialiste des PME à l’université de Montpellier, c’est regrettable car la santé du dirigeant représente “le premier capital immatériel des petites entreprises” En effet, lorsqu’un dirigeant de PME tombe gravement malade, le plus souvent son entreprise ne lui survit pas. Raison de plus pour connaître les principaux risques pour la santé liés à la fonction de patron.

SOMMAIRE

  1. Un angle mort de la santé au travail
  2. Des risques physiques trop négligés
  3. Des risques psychiques très importants
  4. Le fort impact de la crise sanitaire
  5. Une nécessaire prise de conscience

1. Un angle mort de la santé au travail 

Depuis des décennies les questions de santé et de sécurité au travail font, à juste titre, l’objet d’une attention de plus en plus soutenue qui s’est accompagné du déploiement d’un vaste arsenal visant à mieux connaître et prévenir les maladies professionnelles.

Mais, dans ce grand mouvement, les dirigeants de TPE-PME restent dans un angle mort. Plusieurs raisons expliquent ce triste constat. Il y a bien sûr une cause historique. “Dans notre pays, la médecine du travail a été créée au profit des seuls salariés dans le contexte bien particulier du développement des grandes firmes tayloriennes, grandes consommatrices de main-d’œuvre. Si bien que les personnes ayant, comme la plupart des entrepreneurs, un statut différent n’ont pas été prises en compte”, explique Emmanuel Pochet, directeur de Point Org Sécurité, une société spécialisée dans la prévention des risques professionnels.


Mais il faut aussi compter avec un biais plus idéologique : la question de la santé au travail a longtemps été influencée par une lecture marxisante faisant des maladies professionnelles une conséquence des rapports de domination existant sur le marché du travail et dans la société. Dans ce schéma, les patrons étant considérés comme dominants, ils ne pouvaient, par nature, pas développer de maladies en lien avec leur travail… Heureusement, cette vision biaisée de la réalité est en passe d’être abandonnée. En raison de l’essor actuel des travailleurs non-salariés, la réforme du système de santé au travail, actuellement portée par Mmes Lecocq et Grandjean, prévoit enfin d’intégrer les entrepreneurs dans le système de santé au travail.

 

2. Des risques physiques trop négligés

Dans l’imaginaire collectif, le patron est d’abord quelqu’un qui occupe un bureau depuis lequel ils dirigent l’entreprise en donnant des ordres à ses collaborateurs… Une vision pour le moins réductrice et caricaturale car, au-delà de leur rôle de patron, les dirigeants de PME exercent aussi un métier !

Selon l’Insee, 63 % des entreprises françaises sont créées dans le métier initial de leur dirigeant : le plus souvent, un maçon crée une entreprise de BTP, une esthéticienne un salon de soins, un jardinier une entreprise d’entretien des espaces verts (et peut utiliser Robbin, un logiciel de devis pour paysagiste), etc. Or, comme ces créateurs d’entreprise continuent de mettre la main à la pâte, les premiers risques auxquels ils sont exposés sont, tout simplement, ceux de leur métier.

En 2011, l’Inserm notait que les problèmes de santé des dirigeants s’apparentaient à ceux des salariés du même secteur. L’exposition aux risques professionnels ne dépend pas tant du statut que du métier. Patron ou pas, le boulanger est exposé à l’asthme du boulanger, le carreleur à l’hygroma du genou, le couvreur aux chutes de hauteur…

Certaines études font même état d’une surexposition des dirigeants. Le baromètre Artisanté BTP notait ainsi que si les artisans “portent une attention toute particulière aux questions de sécurité vis-à-vis de leurs salariés […], ils sont en revanche moins exigeants avec eux-mêmes”, si bien que 73 % “se réservent les tâches les plus à risque pour préserver leurs salariés”.

De même, dans le monde agricole, on constate que les exploitants sont beaucoup plus sujets aux chutes de hauteur que leurs salariés. Pour Benoît Moreau, conseiller national en prévention des risques professionnels de la MSA, cette différence s’explique ainsi : “Travaillant seuls le plus souvent, ou avec un minimum de salariés destinés aux tâches purement agricoles, ils estiment être les seuls à pouvoir prendre le risque de monter sur un toit pour y faire des travaux d’aménagement ou de réparation.”

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3. Des risques psychiques très importants

À ces “risques du métier”, il faut, de surcroît ajouter les risques psychosociaux (RPS) spécifiquement liés au statut et aux responsabilités spécifiques des dirigeants. “Au cours des trois dernières décennies, nous avons pris conscience qu’en plus des pathologies physiques et physiologiques liées au travail il fallait se préoccuper des pathologies d’ordre psychologique comme le stress au travail.”, observe Michel Debout, professeur de médecine légale. Or, en la matière, les patrons de TPE-PME cumulent les facteurs de risque. En janvier 2021, la revue spécialisée PREVENSCOPE, en listait quatre principaux :

  • L’Incertitude et la précarité car les entrepreneurs ne disposent pas des mêmes amortisseurs sociaux que les salariés en cas de retournement de conjoncture ou de souci de santé : des indemnités maladie rachitiques, pas d’allocations-chômage, etc. Cette situation est évidemment éprouvante et angoissante. Selon l’Institut de veille sanitaire (InVS), il y a dix ans, quelque 12 % des commerçants-artisans souffraient déjà d’anxiété généralisée.
  • La fatigue physique et mentale car les entrepreneurs ne comptent pas leurs heures de travail. Selon une étude de l’Inserm, ils travaillent en moyenne près de 10 heures par jour et sont 65 % à continuer à travailler le soir à leur domicile. Et s’ils sont employeurs, leur durée de travail s’élève à presque 57 heures par semaine ! À l’occasion d’une enquête publiée peu avant la crise sanitaire dans la Revue française de gestion (RFG), l’Observatoire Amarok a établi que 17,5 % des entrepreneurs français présentaient des signes d’épuisement annonciateurs d’un risque de burn-out.
  • La confusion entre vie privée et vie professionnelle car les entrepreneurs s’investissent corps et âme dans leur entreprise. “Le vocabulaire employé par les patrons témoigne de cette imbrication. Ils disent volontiers que ‘leur boîte, c’est leur bébé’ ou ‘leur vie’. En cas d’échec, ils n’ont donc pas de base de repli car ils perdent tout, aussi bien financièrement qu’affectivement”, explique Philippe Mège, dirigeant d’Impact Prévention, un cabinet spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux (RPS).
  • L’exercice solitaire des responsabilités car, à rebours des dirigeants de grandes firmes, les entrepreneurs ne peuvent pas s’appuyer sur une multitude de collaborateurs. “Je ne suis pas seulement patron. Je suis aussi DRH, commercial, responsable juridique et même agent d’entretien à mes heures !”, s’amuse l’un d’eux. En raison de cette multiplicité de tâches, les patrons de TPE finissent par se sentir responsable de tout : des réussites comme des échecs. Ils se retrouvent ainsi surimpliqués émotionnellement, notamment dans les moments les plus douloureux comme les licenciements qui peuvent provoquer chez eux un sentiment destructeur de culpabilité.

 

4. Le fort impact de la crise sanitaire

La crise sanitaire et les confinements provoqués par l’épidémie de Covid-19 ont eu un fort impact sur la santé mentale de nombreux travailleurs.

Toutefois, les entrepreneurs semblent particulièrement affectés. Selon une enquête réalisée par la Fondation Jean Jaurès, alors que 20 % des Français affirmaient, en 2020, avoir déjà envisagé sérieusement de se suicider, deux catégories d’actifs ont des taux d’intention largement supérieurs : les dirigeants d’entreprises à 27 %, les artisans-commerçants à 25 %.


Plus significatif encore : “Quand on observe ceux qui ont déjà fait une tentative de suicide parmi ceux qui l’avaient envisagée (soit 20 % de l’échantillon), on remarque que les artisans-commerçants sont 42 % à avoir connu l’expérience d’une tentative de suicide avec hospitalisation” détaille Michel Debout, professeur de médecine légale et membre de l’Observatoire national du suicide. Ces données alarmantes conduisent l’expert à une triste prévision : “La cause principale des morts violentes des commerçants a pour nom le suicide des petits entrepreneurs.”

 

5. Une nécessaire prise de conscience

Les graves difficultés mises en lumière par la crise sanitaire peuvent toutefois déboucher sur une prise de conscience salvatrice. Chez les entrepreneurs, traditionnellement peu enclins à confier leurs soucis, elle a heureusement eu lieu.

Toujours selon la Fondation Jean Jaurès, au cours des douze derniers mois, 6 % des artisans-commerçants ont fait appel à une association d’aide ou de soutien, soit une proportion deux fois supérieure à celle de la moyenne des Français.


À la tête d’Impact Prévention, Philippe Mège fait le même constat : “J’ai le sentiment que les patrons de TPE-PME comprennent que leur obligation de veiller à la santé physique et mentale des membres de leur entreprise concerne aussi leur propre santé. Auparavant, ils rechignaient à prendre soin d’eux parce qu’ils y voyaient une sorte d’aveu de faiblesse. Désormais, ils admettent plus volontiers que préserver leur santé est un acte de gestion responsable car l’entrepreneuriat est une course de fond qui exige de se ménager pour aller plus loin.

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Des informations complémentaires : 

https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/aides-reseaux/0610310385036-olivier-torres-le-bistrotier-normalien-au-chevet-des-entrepreneurs-341740.php http://www.slate.fr/story/207188/syndrome-impuissance-forme-inedite-burn-out-petits-patrons-pme-prives-travail-culpabilite-dettes https://www.essentiel-sante-magazine.fr/sante/travail/sante-des-entrepreneurs-et-des-salaries-il-faut-rester-vigilant 

Ce qui m’anime dans mon métier, c’est de faciliter la vie des chefs d’entreprise en simplifiant leur gestion au quotidien.
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