Développer une activité de conseil auprès des artisans du bâtiment ? L’idée est séduisante : l’expert-comptable est un atout précieux pour ces professionnels, facteur de sécurité financière et d'optimisation de leur rentabilité. Bien souvent hélas, les artisans eux-mêmes ne sont pas conscients de cela, ni d’ailleurs de leurs propres besoins. Pourtant, pour le cabinet comptable, la verticalisation de son offre de services et de conseils est une des clefs pour faire face à la montée en puissance de nouveaux acteurs concurrents et à bas prix. Voici le témoignage de Dominique Jourde, co-président du cabinet Duo Solutions à Poitiers, et quelques exemples de bonnes pratiques issues de son expérience.
SOMMAIRE
Témoignage : l’interview de Dominique Jourde, expert-comptable, co-président, DUO-SOLUTIONS
Quels leviers de progrès les artisans du bâtiment ont-ils à leur disposition en matière de gestion de leurs activités ?
Dominique Jourde : Les besoins varient d’un artisan à l’autre. Mais, dans l’ensemble, on peut dire qu’il y en a trois catégories :
- Les premiers besoins concernent les structures les plus petites et portent en grande partie sur les factures :
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leur émission au bon moment dans un premier temps puis leur recouvrement, dans un second temps. Il s’agit de leur montrer qu’il est rentable d’établir des factures intermédiaires, de les envoyer sans attendre puis de faire des relances simples le cas échéant. Il arrive encore trop souvent que la facture n’arrive qu’au moment de la livraison finale du chantier et que son règlement soit bloqué par l’existence de reprises dont la valeur ne représente pourtant qu’une petite partie des travaux accomplis. - L’autre catégorie porte sur la conduite opérationnelle de leurs métiers et concerne nombres d’artisans du bâtiment : l’évaluation des temps à passer puis la mesure des temps réellement passés, y compris en cas de reprises. C’est un bon levier pour améliorer la rentabilité future d’un artisan.
- Enfin, il y a les besoins relatifs à la gestion même de leurs activités : prendre du recul, avoir une vision d’ensemble de ce qu’ils gagnent, de ce qu’ils dépensent, à court terme, à travers un tableau de bord flash mensuel, puis de ce qu’ils investissent, de ce qui est rentable, de ce qui ne l’est pas ou ne l’est plus, au moment de l’établissement du bilan annuel.
Comment un expert-comptable peut-il développer ses activités en tirant parti de ces besoins ?
D. J. : Dans la plupart des cas, l’artisan n’est pas conscient de ses besoins. D’ailleurs, il n’est pas rare que la rencontre avec son expert-comptable n’ait lieu qu’une fois par an, pour analyser le bilan annuel, et qu’il soit même redouté par certains.
Pourtant certains conseils parlent d’eux-mêmes comme les optimisations de charges sociales ou d’impôt. La valeur de notre conseil est alors tout de suite mieux perçue. Or, c’est de cette perception que dépendra la facilité à aller au-delà en matière de demande de conseils, par exemple sur la mise en place d’un tableau de bord personnalisé, la comparaison de certains ratios de l’entreprises avec ceux des autres entreprises comparables, le calcul de prix de revient horaire…
Un moment se prête bien à ce genre de proposition : l’analyse du bilan annuel. Il nous permet d’identifier ce qui va et ce qui pourrait aller mieux et de proposer des solutions.
Procéder par ailleurs à une analyse de sa clientèle aide vraiment à identifier les besoins. L’idéal est de pouvoir être recommandé. Quand on a accompagné un artisan, qu’il est satisfait et qu’il en parle autour de lui, c’est une aide considérable.
Certains outils aident-ils à vendre ces missions ?
D. J. : Ce n’est jamais l’outil qui fait le bon gestionnaire. Mais il est plus simple de mettre en œuvre une gestion efficace avec un outil adapté. C’est d’autant plus utile pour l’expert-comptable dans sa relation avec l’artisan que l’outil de gestion peut favoriser l’échange régulier d’informations sans effort de la part de l’artisan et lui donner accès à des fonctionnalités permettant d’optimiser la gestion de l’entreprise. Tel est le cas quand une application de gestion existe avec des modules de suivi de chantier, de gestion du temps des différentes opérations, permettant de générer des factures intermédiaires, de relever les reprises et de vérifier leurs exécutions. Concrètement, vous disposez alors des informations pour lui montrer quels sont les chantiers les plus rentables de ceux qui le sont moins, s’il doit mieux acheter, de quelle manière optimiser ses équipes et son matériel…
Comment vendre ces missions ?
D. J. : Rares sont les clients qui vous demanderont une plaquette ou des fiches de présentation de ces missions. Mais en avoir à disposition est utile car cela sert de support à la discussion, de prétexte à parler de ce qui pourrait être fait. Les mots sont à choisir avec soin pour qu’ils soient accrocheurs et parlent à nos clients. Certaines missions pourront bénéficier d’une tarification au forfait. D’autres, plus personnalisées, seront facturées au temps passé. Que la règle de tarification soit claire et connue avant même de lancer la mission est primordial. En fonction de chaque clientèle, on peut ainsi packager des offres de service adaptées. Si le client comprend la valeur de ce que vous lui apportez, connaît le tarif, il se projettera beaucoup mieux et vous aurez ainsi plus de chance de le convaincre d’essayer.
Bonnes pratiques et outils pour développer le conseil aux artisans du bâtiment.
L’aide de l’expert-comptable sera d’autant plus utile aux artisans dans le contexte actuel de la crise de la COVID19. Par des conseils adaptés, l’expert-comptable leur permettra de se focaliser sur des informations aidantes pour la gestion et le développement de l’entreprise : ce qui est rentable et ce qui ne l’est pas ; ce qui est demandé ; ce qui peut être optimisé, ce qui est bien ou mal acheté… La valeur de ces conseils sera d’autant plus facile à percevoir, ce qui facilitera la vente.
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Tableau de bord avec données actualisées : pas trop de chiffres et du sens
Il sert à aider à comprendre l’évolution des activités. Mais plus il y a d’indicateurs, moins il sera lu. Limitez-vous à 5 indicateurs grand maximum, par exemple :
- CA constaté / CA de l’année précédente,
- Montant des achats / achats de l’année précédente,
- Niveau de trésorerie courante,
- Montant des créances clients non recouvrées,
- Encours fournisseurs.
Ratios et indicateurs d’optimisation : des données concrètement utiles
Des ratios choisis pour guider l’artisan dans ses choix les plus efficaces pour optimiser sa situation, où en tant qu’expert-comptable vous pourrez l’aider à s’évaluer utilement par rapport aux autres entreprises comparables dans son corps de métier, par exemple :
- CA / salarié, pour identifier le sous ou sureffectif, permettant parfois de comprendre qu’un recrutement peut aider à lutter contre le risque de perte de chantier si les délais sont trop longs entre la commande d’un chantier et sa réalisation,
- Niveau des investissements, révélateur de la santé de l’entreprise, permettant d’identifier certaines dépenses utiles, en raison de l’impact de leur image auprès des clients (camion neuf) ou sur l’efficacité des équipes (outils performants et pratiques),
- Indice de rentabilité, réalisé une à deux fois par an, permettant de savoir ce qui est rentable et ce qui l’est moins ou pas,
- Taux de marge, EBE, niveau du BFR moyen, avec comparaison avec les entreprises comparables, pour déterminer des solutions d’optimisation adaptées.
Outils collaboratifs artisan / expert-comptable : des leviers de rentabilité
Rien ne sert de noyer un artisan dans trop de fonctionnalités. En revanche, il est important qu’un artisan comprenne l’intérêt pour lui d’avoir des outils comptables connectés.
Pour l’expert-comptable, savoir tenir compte de chacun de ses clients, lui permettra de faire monter le taux d’adoption des outils qui lui faciliteront la vie et permettront de développer le conseil auprès de chaque client.
- Les outils collaboratifs sont des outils de développement pour le cabinet comptable car ils permettent :
- De gagner du temps sur les activités chronophages et peu rémunératrices,
- D’investir le temps gagné sur la vente de missions de conseil.
- Apporter des conseils utiles et adaptés à l’activité de chacun permet de fidéliser le client et de lui apporter plus de valeur que les concurrents à bas coût.
- En prenant le temps de comprendre les besoins de chaque client, l’expert-comptable peut au fil du temps élaborer des packages (mieux acheter, mieux vendre, optimiser le temps de mes équipes…) dont la vente sera facilitée par le bouche-à-oreille, mais aussi des cas concrets, rendus anonymes, mais parlant par les résultats offerts.
